Steve Jobs et Aristote sont sur un bateau
Les meilleurs communicants du monde sont américains. Obama, Steve Jobs, ou encore pour les théoriciens, Nancy Duarte, Garr Reynolds ou Seth Godin. Leur niveau de maîtrise est tellement exceptionnel qu'on peut se demander ce qui explique que la culture anglo saxonne truste à ce point la totalité des places d'honneur dans cette compétence clé. Mais lire l'abondante littérature sur le sujet mène toujours à la même conclusion : ils n'ont rien inventé et pour les meilleurs d'entre eux, ont systématiquement étudié Aristote ou les autres classiques de l'antiquité comme Ciceron. Car la réalité est implacable, si vous voulez atteindre les sommets en matière de communication, l'étude de l'art de la réthorique devient tôt ou tard indispensable. La contribution anglo-saxonne à l'art de la persuasion ne repose pas dans les multiples recherches d'un Cialdini ou d'un Dan Ariely (remarquables au demeurant), mais dans la simplification des ouvrages de l'antiquité, la mise à jour avec des exemples contemporains et plus parlant. Un livre m'a particulièrement marqué et m'a donné envie d'aller plus loin dans l'étude de la réthorique.
L'ouvrage est vraiment excellent mais il souffre d'un défaut inattendu : manifestement, son auteur ne pensait pas en vendre beaucoup en dehors des frontières etatsuniennes. De nombreuses références sont clairement très américaines et l'européen "normal" se demandera bien de quoi il en retourne. C'est très dommage car avant de vous lancer dans la Réthorique d'Aristote ou l'Orateur idéal de Ciceron, ce livre vous donnera d'excellentes bases. Je regrette de ne pas avoir trouvé son équivalent en français, avec des références accessibles à quelqu'un qui n'a pas un doctorat en philosophie ou lettres classiques.
Steve Jobs ne s'y était pas trompé : son obsession pour le chiffre 3, sa maîtrise parfaite des concepts d'Ethos, de Logos et de Pathos, éléments de la persuasion à travailler en totalité pour une capacité de persuasion hors norme et éthique ... Si je ne devais retenir qu'une chose de ce personnage exceptionnel, ce ne sera pas l'Ipad (même si je trouve que c'est un outil juste génial !), mais ce sera le fait qu'il a vraiment participé à remettre au goût du jour l'art de la persuasion, l'art de la réthorique. Il aura aussi réussi l'impensable, me faire lire de la philosophie avec passion, réussissant là où des armées de professeurs ont lamentablement échoué. Bel exploit !