Quand une intervention tourne à la catastrophe
Michael Bay est un réalisateur américain, connu pour des films à grand spectacle comme Transformers ou Armageddon. Samsung l'a invité lors du CES 2014 à Las Vegas, salon high tech d'envergure internationale, pour parler de leur tout nouveau modèle de télévision à écran courbe. L'idée alors est d'avoir ce grand professionnel du cinéma expliquer à quel point ce nouvel écran permet une expérience visuelle extraordinaire.
Mais les choses ne vont pas tout à fait se passer comme prévu. Bay va se mélanger les pinceaux, se perdre sur son prompteur, s'arrêter et moins d'une minute plus tard, quitter la scène après un naufrage spectaculaire, laissant le représentant de Samsung dépité.
La vidéo du naufrage va probablement faire remonter en vous toutes les craintes qu'un speaker peut avoir : trou de mémoire, perte de concentration, panique, le tout devant une audience qui ne vous quitte pas des yeux.
Désastre ? Pour Samsung, pas forcément. Et j'irai même jusqu'à dire que sans la "prestation" de Michael Bay, jamais son téléviseur n'aurait bénéficié d'autant d'attention.
Qu'en est-il pour Michael Bay ? Comment aurait-il pu s'en sortir ?
Règle numéro un : les notes, ou le prompteur, sont de faux amis, car ils peuvent vous donner la fausse illusion que vous n'avez pas besoin de répéter ou de mémoriser votre discours, puisque vous pouvez le lire. Une intervention de ce niveau, ça se répète : moins de 5 répétitions donneront une prestation très faible. Un pitch important, c'est une 20aine qui sera nécessaire pour être vraiment à niveau. Et la mémorisation se fait à partir de mots clés qui permettent de retrouver facilement la structure du discours.
Règle numéro deux : quand on est en difficulté, c'est la technique qui sauve. Tout speaker est amené à faire des interventions de mauvaise humeur, fatigué ou insuffisamment préparé à son goût. Il faut alors appliquer à la lettre les techniques qui auront été apprises et qui sont longuement décrites dans ce blog. La power pose de Amy Cuddyou les techniques de Shawn Achor deviennent obligatoires pour se préparer.
Règle numéro trois : si on perd pied quand même, là encore, il faut une réponse toute prête et vous devez dès maintenant, réfléchir et intégrer un scénario qui vous permettrait de donner l'impression d'improviser sur scène avec un peu d'humour et de tourner la catastrophe en dérision. Cela donnera au problème technique le temps d'être résolu, à votre esprit de se reprendre. Dans un talk réalisé à TED en 2009, le controversé Tony Robbins, un coach américain, est perturbé par ... l'ancien vice président Al Gore. Son speech ultra préparé déraille quand il commence à échanger avec lui et il perd le fil de son discours. Pourtant, il garde le sourire et échange hilare avec l'assistance. Il fait même une pause et s'exclame "cet enfant de salaud a ruiné mon speech !". La salle éclate de rire et Al Gore, qui vient pourtant de se faire insulter, est celui qui rigole le plus : tout le monde se demande comment l'orateur va retomber sur ses pattes, et sait que dorénavant, il faudra sans doute être un peu indulgent. Après tout, il a été mis en difficulté, et comment ne pas trouver sympathique quelqu'un qui sait faire preuve d'autant d'auto-dérision. Très entrainé, Tony Robbins avait déjà en tête plusieurs moyens pour reprendre ses esprits et mettre l'audience dans sa poche.
On vous propose un prompteur pour vous sécuriser une intervention très importante ? Refusez et travaillez. Au pire, emportez quelques notes avez vous, extrêmement synthétiques. Même à TED, certains speakers ont des aides mémoire et personne ne leur tient rigueur d'y jeter un oeil de temps en temps. Mais ne vous y trompez pas : vous devrez répéter. Sinon, restez chez vous pour vous éviter de vivre la même mésaventure que celle de Michael Bay.