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Prendre de mauvaises décisions

Combien de fois voyons nous des gens objectivement brillants prendre des décisions stupides ? Combien de fois nous sommes nous dit que n'importe qui à leur place aurait fait un choix beaucoup plus rationnel, choix qui paraissait pourtant crever les yeux par son évidence ? Mauvaise information ? Non même pas. Décideur incompétent ? Non plus. Pourquoi alors des gens intelligents, bien informés peuvent prendre des décisions stupides (comme par exemple dissoudre l'assemblée nationale quand on y possède la majorité ... pour la perdre nettement ensuite) ?

Convaincre nécessite de comprendre que le processus de décision n'est pas rationnel. Dan Ariely, brillant chercheur du MIT et professeur à Duke le développe longuement, et je ne saurais que conseiller la lecture de ses ouvrages.

Prendre une décision est un processus complexe, et notre cerveau est particulièrement paresseux. Il simplifie, parfois à outrance, et applique des schémas qui lui permettent de décider vite. Dans la vie de tout les jours, et dans notre monde de plus en plus complexe, c'est un atout formidable de pouvoir traiter une masse considérable d'information sans avoir à réinventer la roue à chaque fois.

Malheureusement pour nous, certaines de ces routines que nous avons développé peuvent être néfastes et se retourner contre nous. Pire, utilisées à mauvais escient, elles sont une véritable faiblesse contre lesquelles il est important de se prémunir. Le chercheur américain Robert Cialdini en est le meilleur théoricien.

Il existe d'autres biais qui peuvent affecter nos décisions. Je les développerai plus en détail, mais en synthèse, voici les ennemis de la décision rationnelle :

  • Les biais comportementaux :

  • La colère, qui face à un problème vous fait transformer le processus de décision en procès ou recherche des coupables. "Mais comment en est-on arrivé la !!!"

  • Le perfectionnisme, qui vous fait préférer l'immobilisme à une solution imparfaite. "Ok, on règle 80 % du problème, mais pensez au 20 % qui restent !!!".

  • L'impatience, qui vous fait décider vite, très vite, trop vite ... Ce biais est malheureusement très efficace sur les problèmes simples. Sur les problèmes complexes, c'est l'art de prendre des décisions individuellement intelligentes, mais dont la somme s'avère catastrophique.

  • La distortion :

  • Le sur-optimisme, qui vous fait exagérer le résultat espéré d'un projet et vous fait vous lancer dans des chantiers irréalistes.

  • Le syndrome de Guantanamo, ou peur de la perte. A Guantanamo, de nombreux prisonniers n'ont pas été libérés, car personne ne voulait signer l'odre de le faire, malgré l'évidence de leur innoncence (démontrée par l'appareil judiciaire américain lui même). Pourquoi ? Personne ne voulait prendre le risque d'être celui qui libèrerait l'organisateur du prochain 11 septembre. A une échelle plus modeste, c'est celui qui refuse de faire supprimer un contrôle administratif pourtant grossièrement inutile ("au cas où").

  • La sur-confiance. Très utile dans la phase d'exécution (on est plus là pour douter, la décision est prise et doit être exécutée), elle est catastrophique quand vous devez décider car vous surestimez dangereusement vos capacités. Les exemples historiques sont nombreux (à peu près chaque conflit est très marqué par la sur-confiance de ceux qui le déclenchent).

  • L'auto-trahison (ou deception, en anglais)

  • Les perspectives temporelles différentes : un élu pour 5 ans va-t'il vraiment lancer un projet qu'il sait formidable ... s'il sait que celui qui en profitera sera celui qui occupera son siège dans 15 ans (et qu'il y a peu de chances que ce soit lui même) ?

  • Les profils de risques différents : si le projet échoue, ma carrière va en prendre un coup. Mais la structure pour laquelle je travaille peut tout à fait se permettre cet échec. Que dois-je décider ?

  • Le champion, où l'art de surpondérer l'avis de quelqu'un qui travaille pour vous parce que historiquement, il a été particulèrement performant.

  • Le syndrôme de Napoléon, qui disait de lui même "mais je ne suis pas Dieu bon sang", à son état major, parlant de lui comme si de toutes façons, il aurait la solution quoi qu'il arrive. Parfois, l'état major d'un leader s'auto censure partant du principe que le leader sait tout mieux que tout le monde.

Une partie de ces biais (il en existe d'autres) sont développés dans l'excellent article de McKinsey Quarterly, par Dan P. Lovallo et Olivier Sibony (Distortions and deceptions in strategic decisions, Février 2006).

Toute la valeur des très grands cabinets en stratégie réside justement dans leur capacité à aider une direction générale à prendre des décisions en éliminant les biais. Cette expertise coute une fortune, une véritable fortune, car elle est vitale et très difficile à acquérir.

L'art de convaincre nécessite de comprendre au mieux le processus de décision, et ce qui fait qu'il déraille. Les biais décrits ci dessus peuvent détruire une bonne idée, parce qu'en toute bonne foi, quelqu'un de très intelligent a pensé qu'il valait mieux en écouter une autre, en dépit du bon sens. Tacler ces biais est extrêmement difficile, et savoir les éviter au mieux est une compétence hors de prix.

Il existe des moyens d'augmenter considérablement ses chances en structurant son message, en l'appuyant sur des faits. Mais cela fera l'objet d'un autre article.

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