Avoir de la répartie en toutes circonstances
Versailles, cour du Roi Louis XVI, un jeune noble de province vient quémander l'aide de l'Etat pour faire assecher les marais de la Dombes. Il ne tarde pas à découvrir un univers féroce où en un seul bon mot, on peut s'attirer les faveurs royales, ou au contraire, tomber en disgrace car ... ridicule.
Dans ce film de 1996, Ridicule, de Patrice Leconte, les répliques fusent, les dialogues sont ciselés et font mouche. Dans le monde d'aujourd'hui, avoir de la répartie est une arme redoutable : on craint de défier celui qui en quelques mots bien choisi saura mettre les rieurs de son côté, trouvera la réplique qui met fin au débat.
Mais est-il possible d'apprendre à avoir de la répartie ou bien certains sont-ils nés avec ce précieux don ? Eh bien c'est le film Ridicule qui nous enseigne la technique.
Lors d'une après midi, le marquis de Bellegarde interprété par Jean Rochefort, et le baron Grégoire Ponceludon de Malavoy, incarné par Charles Berling, rentrent dans la demeure du 1er nommé. Le baron commente la journée qu'il vient de passer, mais le personnage de Jean Rochefort est particulièrement soucieux et écoute à peine. D'un seul coup, le visage du marquis s'illumine et il s'esclame : "Avec la même mâchoire, Monsieur l’abbé ? ".
Deux heures auparavant, l'infame abbé de Vilecourt, magistralement interprété par le regretté Bernard Giraudeau, déclame lors d'un rendez vous mondain "Des groseilles ! J’ai la passion des groseilles ! J’en mangerais autant que Samson a tué de Philistins !". Le personnage de Jean Rochefort tente une réplique et s'emmele les pinceaux. Deux heures plus tard, il trouve la fameuse réplique qui lui aurait permi de moucher son ennemi juré : "Avec la même mâchoire, Monsieur l’abbé ? " (oui, il faut avoir vu le film et être un peu dans le trip pour comprendre que la réplique est terrible. Là à froid, faut bien avouer ... )
Opportunité manquée et perte de temps de quelqu'un qui n'aura que ses regrets ? Bien sûr que non, car c'est là que réside le secret de la répartie : se constituer une bibliothèque de phrases prêtes à l'emploi.
Toutes nos conversations sont pleines d'opportunités manquées : plutôt que de vous apitoyer sur votre sort, réfléchissez à la formule qu'il aurait fallu utiliser. Imaginez la scène, revivez là en utilisant cette réplique. A l'inverse, si vous entendez une réplique qui fait mouche, qu'il s'agisse d'une simple conversation ou bien d'un film, faites le même exercice : imaginez vous l'utiliser dans une situation famillière, plusieurs fois. Si vous ne parvenez pas à la mémoriser, la réplique n'en valait peut être pas la peine.
Si vous faites cet exercice régulièrement, et surtout à chaque fois que l'occasion se présente, avec le temps, vous allez faire ce que les comiques ou les acteurs font : vous constituer une batterie de répliques prêtes à l'emploi. Les ayant répétés un nombre important de fois dans votre tête, vous saurez repérer le moment où elles feront mouches, parce que ce moment là, vous l'aurez imaginé 100 fois.
Facile ? Non. Cela prend du temps. Mais cela fonctionne. Et il n'existe aucun moyen d'apprendre à avoir de la répartie sans un long travail. Un Djamel Debbouze par exemple, est capable de ressortir avec un naturel etourdissant, les mêmes répliques qu'il s'agisse d'une émission sur France 2 ou d'une émission de promotion en Suisse (très intéressant à observer d'ailleurs : les tournées de promotion hors France de nos acteurs et la manière dont ils réutilisent sans vergogne mais avec talent leur stock de phrases bien pensées). Dans un style un peu différent, les pick-up artists, véritables scientifiques des techniques de séduction, utilisent de véritables routines verbales pour parvenir à leur objectif. Dérangeant, mais d'une efficacité redoutable.
L'aisance verbale est trompeuse : cela se travaille beaucoup. Pour avoir de la répartie, le secret consiste à accumuler des phrases qui font mouche, même à postériori, à les travailler et à s'imaginer les utiliser. Avec du temps, cela paie et l'effort est largement rentable.
